ÉNERGIE ET logo_notes DÉVELOPPEMENT DURABLE

Imaginer l'avenir

De l'énergie pour faire des gains

Mémoire anticipatoire du développement durable par la politique énergétique

Faire des gains. À la manière de Négawatt 2011
Faire des gains. À la manière de Négawatt 2011

Réduire les pertes c'est important, faire des gains c'est essentiel.

La nouvelle politique énergétique du Québec devra conduire à faire des gains environnementaux, sociaux et économiques.

Pour y arriver, elle devra:

Appliquer la loi sur le développement durable

Tous les principes de la loi sur le développement durable s'appliquent pour orienter et encadrer la nouvelle politique énergétique. Les quatre derniers sont particulièrement importants.

Capacité de support

Principe m « respect de la capacité de support des écosystèmes » : les activités humaines doivent être respectueuses de la capacité de support des écosystèmes et en assurer la pérennité;

La démonstration des effets néfastes du dépassement de la capacité de support est malheureusement faite. Les politiques énergétiques actuelles n'ont pas la capacité de changer cette dynamique. L'énergie mise dans la dégradation de la capacité de support des territoires est sans commune mesure avec celle mise dans son renouvellement.

La nouvelle politique énergetique devra affirmer que partout où la capacité de support est dépassée, l'énergie dépensée à augmenter la capacité de support doit être supérieure à celle dépensée pour en réduire la capacité.

Responsable

Principe n « production et consommation responsables » : des changements doivent être apportés dans les modes de production et de consommation en vue de rendre ces dernières plus viables et plus responsables sur les plans social et environnemental, entre autres par l’adoption d’une approche d’écoefficience, qui évite le gaspillage et qui optimise l’utilisation des ressources;

L'énergie est actuellement considérée comme une ressource ayant quelques inconvénients à modérer par la responsabilité des intervenants. C'est indispensable, mais ce n'est pas suffisant pour régler les conséquences des irresponsabilités passées.

La nouvelle politique énergétique doit encourager l'attitude responsable vis à vis de la production et de la consommation. Elle doit aller plus loin pour encourager une attitude responsable de la réparation des déséquilibres énergétiques actuels.

Responsabilité

Principe o « pollueur payeur » : les personnes qui génèrent de la pollution ou dont les actions dégradent autrement l’environnement doivent assumer leur part des coûts des mesures de prévention, de réduction et de contrôle des atteintes à la qualité de l’environnement et de la lutte contre celles-ci;

Ce principe s'applique facilement aux petites pollutions ponctuelles. Il peut s'appliquer tout aussi facilement aux produits dont on devra disposer. Il est en revanche difficile de l'utiliser pour les pollutions diffuses ou indirectes, partagées entre de nombreux acteurs, ou pour les pollutions massives dépassant les normes assurables. C'est souvent le cas avec les énergies.

La nouvelle politique sur l'énergie devra affirmer la responsabilité des pollueurs mais devra également adresser les questions de pollution diffuse ou massive spécifiques à l'énergie. Elle devra s'engager dans la recherche de nouveaux moyens diffus et systémiques ainsi que dans l'obligation de gains de dépollution systématique.

Internalisation

Principe p « internalisation des coûts » : la valeur des biens et des services doit refléter l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la société durant tout leur cycle de vie, de leur conception jusqu’à leur consommation et leur disposition finale.

La comptabilité économique et le marché ne permettent pas cette internalisation pour l'énergie. En effet, le coût est supporté par la nature qui n'est pas un acheteur. Sauf en cas d'accident chez le producteur ou le transporteur, les effets sociaux de la pollution découlant de l'utilisation des énergies se font sentir lorsque la capacité de support de la nature est dépassée. On est alors très loin du producteur d'énergie et de la possibilité d'internaliser les coûts à son produit.

La politique énergétique devra instaurer, en plus de la comptabilité économique, une comptabilité environnementale et sociale liée à l'énergie afin de permetre cette internalisation des coûts à des niveaux environnementaux et sociaux indépendants du marché économique. Il en découlera une nouvelle économie fondée sur des bases complémentaires au marché.

Produire et consommer intelligemment

S'appuyer sur la nature de l'énergie

Une politique énergétique ne peut pas changer les lois de la physique. Il y a transformation et déplacement de l'énergie. Chaque action entraîne ce que nous nommons habituellement des pertes mais qui ne sont que des transformations et des déplacements dans des formes ou dans des lieux sans intérêt pour nous.

L'enjeu (que l'on veut gagner) est d'avoir de l'énergie en qualité et quantité appropriée au moment opportun. L'enjeu (que l'on ne veut pas perdre) est la capacité de support de notre environnement.

Le problème est que l'énergie est souvent ailleurs ou sous une forme difficilement utilisable, qu'elle est transformée et distribuée par d'autres à des coûts hors de notre contrôle. Ce problème est aggravé par notre habitude à pendre l'énergie dans les énergies fossiles que l'on épuise et de la laisser polluer la nature directement ou par l'intermédiaire de ses dérivés.

La nouvelle politique énergétique devra favoriser la production et la consommation d'énergie dans des processus intelligemment intégrés pour éliminer les pertes et faire des gains environnementaux, sociaux et économiques comptés chacun pour ce qu'ils sont.

Faire des gains systématiques

Par défaut, le système mis en place par la politique doit générer des gains. Qu'elle que soit l'énergie favorisée par la politique, l'action bénéfique pour le développement du secteur lié à cette énergie devra s'accompagner d'un gain en environnement pour tous.

Le gain environnemental existe lorsque le revenu environnemental est supérieur à la dépense environnementale. Une réduction des dépenses n'est pas obligatoirement productrice de gain. Il faut comptabiliser l'environnement sous forme environnementale. Est-ce qu'après l'action, il y aura gain environnemental ou non.

Étant donné le peu d'habitude à faire de la comptabilité environnementale, il est bon d'en rappeler quelques éléments essentiels.

Le calcul des gains environnementaux repose sur la détermination des revenus et des dépenses. L'ajout d'un élément dans un écosystème peut être soit un revenu soit une dépense pour celui-ci. Cette affectation n'est pas seulement liée à la nature de l'élément. Elle dépend également de la proportion qu'il doit avoir pour maintenir la productivité et la durabilité de l'écosystème.

L'énergie dans l'air est excédentaire et déséquilibre le climat. Laisser s'échapper de l'énergie dans l'air est donc un dépense environnementale. Retirer cette energie de l'air ou retirer de l'air les éléments qui retiennent cette energie est à contrario un revenu environnemental.

Les règles ne sont pas identiques pour les trois points de vue du développement durable.

Du point de vue de la comptabilité économique ajouter de l'énergie dans l'air n'a pas de valeur; mais ne pas la relâcher dans l'air ou la retirer de celui-ci est une dépense.

Du point de vue de la comptabilité sociale, l'énergie excédentaire dans l'air est une dépense lorsque des seuils physiologiques sont dépassés ou que le milieu de vie perd sa capacité de support. Donc pas tout le temps et pas partout. Mais globalement, le plus souvent, c'est une dépense.

Une absence de gain environnemental pour régler le problème de l'excès d'énergie dans l'air ou dans l'eau est inacceptable car c'est une perte environnementale et sociale. C'est d'autant plus inacceptable qu'on ne peut plus faire de gains économiques tant les compensations deviennent coûteuses.

En utilisant l'énergie du climat pour produire des matériaux et des constructions ayant capté l'énergie de l'atmosphère (sans polluer l'environnement), on fait des gains environnementaux, des gains sociaux et des gains économiques. Les excès d'énergie peuvent être stockés au plus près de leur lieu d'utilisation ultérieure. Ce n'est qu'un exemple des actions avec gain systématique que la politique peut favoriser.

Le principe de prendre l'énergie excédentaire et de la stocker à proximité des lieux d'utilisation dans une amélioration de la capacité de support environnemental est un autre exemple pour faire des gains systématiques environnementaux, sociaux et économiques.

Faciliter la mise en œuvre

Pour augmenter la production et l'utilisation intelligente de l'énergie, la nouvelle politique devra favoriser la production par tous, localement, avec un stockage local, l'utilisation et les échanges locaux. Elle devra favoriser l'utilisation des gisements atmosphérique, gravitaire et de récupération. Elle devra favoriser l'utilisation des excédants aux fins de recapitalisation de la nature.

Cet ajout de proximité de l'énergie ne dispense pas des grands réseaux d'énergie pour les échanges plus lointains ou la réduction des disparités importantes de production et de consommation. Il vient en compenser les faiblesses et en limiter le développement excessif.

L'obligation de faire le bilan des revenus et dépenses environnementales et sociales, en plus du bilan économique, est nécessaire pour déterminer les gains produits par la mise en œuvre de la nouvelle politique énergétique.

Entraîner le changement dans la société

La politique énergétique du Québec doit entraîner un mouvement à tous les niveaux, de l'individu aux collectivités en passant par les entreprises.

Obliger la mise en place d'actions gagnantes

Pour faire des gains, il faut le décider et vérifier qu'on fait effectivement des gains.

La nouvelle politique devra affirmer que:

Faciliter la mise en œuvre

Pour faciliter la mise en œuvre de ces trois conditions gagnantes, des exemples seront utiles. Il faudra qu'ils puissent être validés par tous par leur efficacité.

Il est facile de demander à toutes les organisations d'avoir une politique de remboursement des frais de déplacements qui favorise le covoiturage. Il faut aider les organisations à vérifier que leur politique n'entraîne pas une externalisation des coûts des déplacements de l'entreprise vers ses employés ou les services publics.

Il faut aussi les aider à vérifier que ce n'est pas seulement une politique de réduction des dépenses environnementales par la réduction de l'utilisation des voitures. La politique doit induire des gains.

Il faut aider à faire un gain environnemental. Il faut faciliter le report des réductions des dépenses économiques pour les voitures (pour les infrastructures liées) vers une augmentation du capital naturel. Ce peut être du capital nécessaire à l'entreprise; par exemple pour compenser ses GES. Ce peut également être du capital naturel nécessaire pour la collectivité. Il y a là une avenue importante pour le changement de la fiscalité des collectivités.

Mettre en place un contexte favorable

La nouvelle politique devra entraîner l'ajustement des lois existantes. La réduction des distances dépend, entre autres, des lois et règlements d'urbanisme. Il y a fort à faire dans les lois et règlements pour permettre les productions locales et individuelles d'énergies connectées aux réseaux globaux.

Tout n'a pas besoin d'être revu d'un seul coup. la politique doit entrainer un processus d'ajustement continu en mettant l'effort sur l'interdiction de l'inacceptable d'une part et la régulation vers l'optimum souhaitable d'autre part.

Par exemple la production de bio méthane devrait être autorisée pour chaque foyer afin de lui procurer un revenu énergétique, mais les conditions de production, de stockage et de distribution devraient être fermement encadrées pour éviter toute perte environnementale ou sociale.

La nouvelle politique devra favoriser la mise en place de règles imprégnées des principes de la loi sur le développement durable. Par exemple pour le principe d'internalisation des coûts, les entreprises devraient payer les déplacements des employés pour se rendre à leur travail en fonction de la distance en kilomètres, même si les employés viennent à pied, en vélo ou en transport en commun. L'obligation de comptabilité environnementale de l'entreprise vient donner le contexte permettant d'en valoriser les gains.

Veiller à l'équité et induire une dynamique durable

Les gains économiques produits par les non dépenses doivent se répartir sur tous les acteurs, ne pas être captés par ceux qui font produire les efforts par les autres et ne pas échapper à ceux qui font faire le plus de gains environnementaux et sociaux.

La comptabilisation de ces gains devra se matérialiser en valeur d'échange locale dédiée pour devenir une nouvelle force d'action environnementale, sociale et économique.

On peut et il faut financer la réduction de la dépendance aux énergies fossiles par les gains environnementaux. Ces gains ont peu de valeur d'échange et donc pas d'efficacité économique intrinsèque. La valeur non monétaire du potentiel de capacité de support environnemental doit être matérialisée en revenu local dédié à l'amélioration du milieu de vie et de la qualité de vie. La richesse du développement durable doit se construire sur le développement de la nature et de la culture.

Faciliter les comptes

Faire des budgets

Pour faire des gains, il faut les prévoir dans un budget pour chaque projet et vérifier au fur et à mesure de la réalisation qu'il n'y a pas de dérive, pas d'excès de dépenses ni d'insuffisance de revenus. Cette pratique budgétaire est usuelle en économie, elle doit devenir la norme en environnement et en social.

Faciliter les comptes environnementaux

Les revenus et les dépenses environnementales ne sont pas identiques aux dépenses et revenus économiques. Nous l'avons montré précédemment (voir faire des gains systématiques). En conséquence, les outils de l'économie ne sont pas directement utilisables, la mise à disposition d'outils adaptés doit être offerte à tous.

Pour faciliter la comptabilité environnementale, il faut savoir si l'action faite est un revenu ou une dépense environnementale. L'affectation en revenu ou en dépense dépend de l'équilibre de l'écosystème dans lequel elle s'insère.

Bien que la réflexion puisse grandement aider à le déterminer, des listes facilement consultables sur internet devraient être établies et mises à disposition pour tous. Des chiffriers avec des grilles de calcul prêtes à l'emploi devront être disponibles pour que chaque famille, chaque entreprise et chaque collectivité puisse faire son budget.

De nouvelles professions de comptables environnementaux et sociaux devront se mettre en place avec des vérificateurs et des guides de bonnes pratiques. Les institutions financières devront clairement séparer les comptes environnementaux et sociaux si elles désirent offrir des services dans ces domaines.

Faciliter les comptes sociaux

Les revenus sociaux et les dépenses sociales sont différents de ceux environnementaux et économiques. Il faut donc que non seulement les références soient accessibles à tous, mais que la façon de faire les opérations dans les comptes soient montrées et expliquées.

Les comptes sociaux ont des particularités qu'il est intéressant de noter ici.

Le temps de qualité de vie ne peut pas être échangé avec d'autres personnes. En l'absence de transfert, il n'y a pas de correspondance entre les revenus et les dépenses. Les quantités sont limitées par la répartition des durées dans la journée sans être reportables au lendemain.

La qualité de vie dépend, entre autres, d'une répartition équilibrée entre le temps pour soi, le temps avec ses proches et le temps avec les autres. Ils forment des comptes dépendants mais séparés dans la comptabilité sociale.

L'utilisation de l'énergie a un impact direct dans les transports. Ceux-ci occupent une part importante de la journée des individus. Les influences de l'utilisation de l'énergie sur la qualité de vie des diverses parties de la journée sont à considérer. Pour les transports, le temps passé pour se rendre au travail a une valeur variable selon la qualité du moyen de transport employé. Il peut prendre une valeur nulle ou même négative si le déplacement pour le travail est pris sur une autre période que celle du temps de travail normal.

Induire une nouvelle économie

Il ne suffit pas de compter pour que des gains puissent aider à produire de nouveaux gains. Il faut ajouter un système de reconnaissance des gains environnementaux et sociaux qui permette de les produire. La nouvelle politique énergétique est une occasion importante pour induire une économie de développement durable en forçant sa comptabilité. Sa pratique induira sa reconnaissance.

Diffuser les résultats et les modèles

Résultats

La psychologie sociale est sans ambiguïté sur la valeur d'exemplarité des proches. Il faut l'utiliser pour améliorer les gains du groupe en montrant à chaque individu comment il se situe par rapport au groupe. Un équilibre entre les gains individuels et les gains collectifs doit être préservé.

Les économies d'énergie que chacun peut faire sont améliorées si on connait les économies réalisées par ses voisins ou ceux qui sont dans la même situation; par simple émulation. Il faudra aussi appliquer ce principe de mise en contexte pour les gains en énergie.

Modèles

La diffusion des modèles à un rôle d'apprentissage par mimétisme. Il s'agit de bénéficier du savoir faire des autres pour changer sans effort d'invention. C'est une démultiplication du gain énergétique fait par un individu en gains supplémentaires pour chacun des individus du groupe. Le calcul des dépenses et des revenus sociaux utilise des règles de génération des revenus qui sont propres à cette comptabilité. Le gain du groupe n'est pas le cumul des gains individuels et doit être comptabilisé indépendamment.

Les modèles doivent être montrés, il faut aussi qu'ils soient commentés. Cela permet d'en renforcer la valeur et de faire la différence entre les bons et les moins bons exemples. Une forte réduction des dépenses sera ainsi commentée plus positivement si elle s'accompagne d'un report des dépenses sur de la création en capital naturel que si elle s'accompagne d'une prise de bénéfices économiques au détriment de la nature.

Passer de la réduction des pertes aux gains

La création d'une nouvelle politique énergétique est une occasion exceptionnelle pour le Québec.

Une occasion de sobriété pour arrêter notre dépendance au pétrole.
Une occasion d'efficacité pour ne plus avoir besoin des énergies fossiles.
Une occasion d'assurer nos besoins par des énergies renouvelables.

Une occasion de faire des gains en energie liés à des gains environnementaux, sociaux et économiques.
Une occasion de reconstituer notre capital environnemental et social pour faire des gains durables.

La consultation sur les enjeux énergétiques du Québec de 2013 est un moment important dans l'évolution de la politique énergétique du Québec.

 

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