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Paysage sauvage avec électricité et eau chaude

Bruno Gadrat - janvier 1998 - Résumé pour proposition de conférence CELA98
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La conférence

 

Résumé

Contrairement à la connaissance botanique ou horticole, la connaissance paysagère du végétal est encore loin d'être établie. Petit verglas sur les ramures aux premiers rayons du soleil. Quelles branches ? quelle glace ? quel soleil ? Betula, Forsythia, Spiraea, givre, verglas, glace, soleil du matin ou du soir. Climatologie ou botanique ? Deux journées de pluie verglassante de suite. Le flou des petites brindilles scintillantes devient un graphisme épais qui se mouille et s'arrondit à la chaleur grise du jour. Comment fixer cette connaissance si subtile sans la détruire dans un concept symbolique de base de donnée. La précision de cette connaissance est nécessaire à son utilisation ultérieure mais la diversité des petits matins brillants fera vite éclater l'enveloppe logique dans laquelle on voudrait les placer. Comment ne pas fixer cette connaissance si elle est à la base d'une des multiples beautés du pays, sa beauté sauvage. De ce sauvage qui se laisse apercevoir en compagnie d'une personne initiée. Des traces ou un contexte favorable et puis attendre et patienter encore pour enfin profiter de minutes éternelles. La beauté sauvage du paysage relève-t-elle de la criminologie, de l'écologie ou de la science de la patience ?
Voir, revoir et revenir encore pour peut-être s'apprivoiser. La pluie verglassante a continué de tomber, invraisemblable, démesurée, sauvage. De cette sauvagerie qui vous arrête, figé dans la peur d'être dévoré, broyé. Esthétique du sublime ou contrôle social d'une panique statistiquement probable ? Les arbres cassent, les branches tombent, les troncs brisent sous le poids de la glace accumulée. Quels arbres ? Acer, Tilia, pylônes électriques, antennes de télévision. La nuit des nuages jaunes est morte. La nuit est redevenue sauvage à faire briller les étoiles, les arbres se taisent enfin et la lumière de lune transperce les manchons boudinés et glacés de chaque herbe. Quelles herbes ? la hampe florale desséchée d'un Hosta, la tête ronde d'un Sedum spectabile. Deux millimètres de tige et dix centimètres de glace lui servent de compagnon. Audiologie, optique, génie physique ?
Comment apprécie-t-on la beauté du paysage sauvage quand sa sauvagerie a détruit le pays ? sociologie, éthologie, écologie ?
Toutes ces connaissances scientifiques sont-elles nécessaires et suffisantes pour constituer les bases avec lesquelles nous inventerons notre paysage sauvage sans nous priver de notre pays. Un pays au minimum viable mais aussi confortable avec électricité et eau chaude à tous les étages ? Il a neigé à gros flocons toute la nuit, sans vent. La neige tombe encore, la visibilité est restreinte. Le lynx, biologiquement disparu de la région Montréalaise, pointe son nez sur un lambeau d'écorce relevée au centre de la fourche faite par deux grosses branches d'un Acer saccharinum de la Côte-des-neiges. Le paysage sauvage est là, visible aux initiés, parfaitement sécuritaire, sans nuire aux rares lynx vivant au pays.
Le jardin, n'est-il pas la façon la plus efficace et rigoureuse pour constituer cette connaissance ?

B.Gadrat


Références


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