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Bruno Gadrat - février 2000 - rev 29/02/2000
Proposition d'article pour le bulletin de l'association des
Architectes paysagistes du Québec (AAPQ)
gadrat/articles/2000/20000226_art-aapq.html
La plante possède plusieurs "logiques" de formes qui sont lues séparément. Certaines permettent de la décrire comme la forme naturelle ou la silhouette, d'autres d'agir sur elle pour la transformer comme la forme symbolique ou la forme horticole.
C. Raunkiaer (1905-1934) en a proposé une classification des types biologiques (1) pour la flore tempérée. Ils conduisent à décrire la forme naturelle potentielle de la plante induite par sa génétique. Influencée par son environnement, elle prendra une forme naturelle différente d'un individu à l'autre.
La forme naturelle nous est particulièrement sensible par les directions des rameaux qui donneront plus tard les branches principales, la structure de la plante. La brillance de l'écorce est ici déterminante pour que la forme puisse se détacher du fond formé par les habitations ou les autres végétaux.
Carya ovata, Quercus pedunculata, Quercus robur Fastigiata, Populus
nigra Italica, Quercus rubra, Acer saccharum, Acer saccharinum, Tilla
americana, Carpinus caroliniana, différences et
proximités des silhouettes similaires permettent des jeux
étonnants.
L'autre point très sensible est le bord de cette forme générale de la plante l'hiver, surtout lorsqu'elle a été abîmée par le verglas ou l'élagage. Avez-vous remarqué que les rameaux ne sont visibles que sur le bord de la silhouette même si vous faites le tour de l'arbre. Sur le végétal, le point de vue n'a pas son comportement habituel de déformation de la scène visible. L'orientation de la texture devient alors le critère dominant pour maîtriser la forme.
La géométrie euclidienne a longtemps dominé et domine encore notre compréhension géométrique du monde. Les formes associées au végétal sont donc des volumes à dimension entière comme la sphère, le cône, l'uf. Notre compréhension des géométries non-euclidiennes est bien trop jeune pour que nous puissions associer des plantes à des fractales. Le volume de la plante est essentiellement rempli d'air. Nous pouvons grimper dans un arbre. Malgré cela, le volume occupé par la plante est une notion importante car elle est en relation avec la dimension de l'espace dans lequel la plante se situe. L'échelle du lieu est en jeu.
Arbre, conifère, champignon, buisson, palmier. La forme symbolique de la plante est à la fois un signe qui nous permet de la reconnaître et un moteur important pour la transformer en ce qu'elle doit être pour pour correspondre à ce que nous pensons d'elle(2).
La forme symbolique n'a pas de dimension. Le signe tracé dans la plante renvoie directement à notre univers mental. Ce qui est représenté c'est notre idée d'un arbre feuillu, d'un conifère, d'un champignon, d'un arbuste ou d'un palmier mais pas la plante réelle. On pourra donc former des arbres à 1,5 mètre ou 3 mètres de haut pour dire notre idée de l'arbre en général. On pourra même prendre un Thuja pour dire un arbre feuillu. En revanche on ne pourra par le tailler n'importe comment. Il devra former un signe reconnaissable. Le rapport de dimension des signes entre eux intervient s'ils sont placés dans un même ensemble significatif(3).
Les végétaux sont formés en pépinière pour ressembler à ce que le client attend et pour offrir une normalité facilitant le commerce. Tige, demi-tige, gobelet, quenouille, palmette et bien d'autres nous attendent pour plantation. On est alors loin de la forme naturelle. La forme de la plante est définitivement conditionnée par ces tailles de formation. Au-delà de la deuxième année la croissance des tiges ne concerne que son diamètre mais sa longueur ne varie plus. Un embranchement formé à 2 mètres de haut restera définitivement à cette hauteur. Un petit coup de sécateur est lourd de conséquences.
Peut-on imaginer un jardin sans forme? Même les idées les plus opposées au carcan de la forme comme le Zen ont produit des jardins dessinés avec un soin extrême. Mais de quelle forme parle-t-on? Il nous reste encore beaucoup à faire pour explorer et bien maîtriser les diverses formes d'une même scène végétale.
B.Gadrat