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La couleur des plantes

Bruno GADRAT, gadrat/c/couleur/couleur.htm, octobre 1998 rév. 17/03/2006

Le soleil | La plante | L'œil | Le cerveau
Pour comprendre la couleur, et les difficultés qu'elle pose dans le jardin, il faut suivre le chemin qui conduit du soleil jusqu'à notre cerveau en passant par la plante et l'œil. Chacune des étapes comporte son lot de contraintes et de potentialités pour l'art des jardins.

Le soleil et autres sources de lumières

Le soleil est la principale source lumineuse dans les jardins mais ce n'est pas la seule (lampes).

arc_en_cielLumière composée et lumière simple.
En 1666 Isaac Newton décompose la lumière du soleil par un prisme de verre et reconstitue l'arc en ciel. Mais chacune de ces couleurs ne peut être à nouveau divisée. La combinaison de toutes les lumières colorées reconstitue une lumière blanche.

La somme de toutes les couleurs donne le blanc encore faut-il que la source du rayonnement comporte toutes les couleurs.

journeesoir
Picea pungens dans la lumière du jour et dans la lumière du soleil couchant

La lumière directe du soleil est également différente de la lumière ambiante de l'ombre (plus bleue).

Lumière de l'éclairage public, projecteurs; le jardin éclairé est plein de possibilités par les longueurs d'ondes qu'il sélectionne pour ses mises en scène.

La lumière peut être mesurée comme onde ou comme particule.
Onde ou particule? Les deux! depuis Louis De Broglie en 1924 et ses collègues de la même époque. La physique moderne dépend de l'observateur, comme le paysage. L'intensité de la lumière (luminance) correspond à la quantité de particules reçues mais sa couleur dépend de sa longueur d'onde.

Des trois paramètres de la couleur de la lumière, l'intensité est à prendre en considération avant tout. Sans lumière, nous sommes dans le noir, il n'y pas de couleurs. Trop de lumière et nous sommes éblouis, incapables de voir.

La prévision de la luminance dans un mélange de couleurs est régie par le type de mélange utilisé : additif, soustractif ou partitif. Cette opération s'applique aux quantités de lumières de chacune des parties du mélange.

Le mélange additif se produit lorsque nous ajoutons des lumières colorées. C'est le cas des projecteurs dans le jardin.

Le mélange soustractif se produit lorsque nous retirons de la lumière. C'est le cas des frondaisons ou des floraisons des plantes hautes qui absorbent une partie du rayonnement. C'est aussi ce type de mélange qui s'applique lorsque les pétales des fleurs translucides sont vus les uns au travers des autres.

Le mélange partitif se produit lorsque nous nous éloignons et que les diverses sources de lumières fusionnent dans notre œil proportionnellement à leurs quantités. C'est la règle générale au jardin. Elle est particulièrement importante pour comprendre les effets des textures des feuillages et des ambiances colorées des plates-bandes.

Les deux autres paramètres de la couleur, sa tonalité et sa pureté. Ils dépendent des longueurs d'ondes.

Le spectre électromagnétique classe les ondes selon leur longueur:
rayons gamma < rayons X < ultraviolets < lumières visible par l'œil < infrarouges < micro-ondes < ondes radio

La lumière visible est comprise entre 380 et 780 nanomètres. L'image ci-contre montre une approximation des valeurs suivantes:
380-436 nm violet
436-495 nm bleu
495-566 nm vert
566-589 nm jaune
589-627 nm orange
627-780 nm rouge

Mais où est passé cette couleur ?: (le magenta)

Pour retrouver les teintes oubliées par le spectre, il faut regarder des mélanges de longueurs d'ondes. Le mélange est la règle dans les jardins et c'est sa compréhension qui nous rend les effets colorés du jardin prédictibles.

Une teinte simple peut être obtenue par un champ large de longueurs d'ondes autour de sa longueur d'onde caractéristique. Plus ce champ est large, moins la couleur est pure.

Mais, et c'est la magie de la lumière, chaque teinte peut se recomposer à partir d'autres séparées dans le spectre. Dans le cas des deux extrémités du spectre, la nouvelle teinte produite n'a pas d'équivalent physique dans le spectre. Dans ces mélanges, les couleurs qui nous apparaissent sortent directement de l'interprétation de notre cerveau. Voir aussi rayonnement.html.

Essayez de retrouver la composition du marron si fréquent chez les végétaux en terme de teinte (tonalité), luminance et saturation (pureté) d'une part et en spectre lumineux d'autre part.

Léonard de Vinci et Goethe ont fait des apports majeurs dans la connaissance des couleurs, mais en relisant leurs textes, on se rend compte que de nombreux points de compréhension des phénomènes ont changé. Si vous restaurez des jardins anciens, reportez-vous à la connaissance des couleurs de l'époque.
On doit la séparation des phénomènes du mélange des couleurs par les pigments (matière) des mélanges opérés par l'œil (lumière) à Helmholz (1860 physicien et physiologiste). On lui doit aussi d'avoir établi les bases de la colorimétrie. Côté pratique, Chevreul en 1839 classe les couleurs dans une demi-sphère. Les couleurs du spectre, complétées des pourpres sont placées sur les rayons du cercle de base et leurs distances au centre sont déterminées par leurs degrés de clarté. Munsell (1905) classe les couleurs dans un solide uniquement sur les appréciations des sensations colorées en se préoccupant aussi des questions d'harmonie, de camaïeu en plus des simples contrastes et complémentarités. L'horticulture utilise actuellement la Royal Horticultural Society Colour Chart pour la description des nouveaux cultivars. La première version par R.F. Wilson date de 1942. Elle s'appuie sur une liste de plantes de références par rapport auxquelles les autres sont classées.

Le cercle chromatique ne s'est pas fait en un jour. Le besoin absolu de mesurer de notre siècle nous en donne une version améliorée jusqu'à présent satisfaisante pour l'imprimerie, la télévision et ce qui nous intéresse au plus haut point, la compréhension de la couleur dans les jardins et les plantes.

Le cercle chromatique essaye de répondre à une question simple: Que va-t-il se passer lorsque nous mélangerons deux teintes?. Le cercle chromatique prédit uniquement le comportement du paramètre de la teinte.

Deux teintes symétriques par rapport au centre sont complémentaires. Elles s'annulent. Il n'y a pas de teinte résultante.
Les phénomènes colorés du jardin sont principalement liés à cette disparition de la teinte. Il est donc essentiel que le cercle soit construit sur cette propriété.

Si les teintes ne sont pas symétriques par rapport au centre, la teinte produite se situe sur l'arc de cercle intermédiaire. Sa distance dépend de la proportion des deux teintes mélangées. En quantités égales, le résultat est à mi distance. Plus une quantité domine sur l'autre, plus elle attire le résultat vers elle.

Élaboré pour l'industrie dans un souci de pureté, le cercle chromatique est aussi bâti pour produire le maximum de couleurs avec le minimum de teintes de base. En l'occurrence trois. Ces trois teintes de base, aussi appelées couleurs primaires, ne seront pas les mêmes selon les types de mélange utilisés. Dans un mélange additif on choisira des couleurs primaires sombres, car le mélange les éclaircira. Dans un mélange soustractif on choisira des couleurs primaires claires, car le mélange les assombrira. Le cercle chromatique fera donc apparaître ces 6 couleurs fondamentales pour que le cercle puisse servir à tous les types de mélange. Attention, ces appellations varient d'une culture à une autre et d'une époque à une autre. De plus, les végétaux du jardin n'ont pas des teintes normalisées. Ce qui compte c'est la teinte que vous voyez sur le cercle. Le nom n'est qu'une facilité de langage qui risque fort de devenir une complication dans la pratique du jardin.

  1. Pour prédire la clarté du mélange obtenu on se référera au type de mélange.
  2. Pour prédire la teinte
    1. Si deux teintes sont l'une en face de l'autre par rapport au centre, elles sont complémentaires.
      À quantités égales, le mélange fera disparaître la teinte dans du blanc si le mélange est additif, du noir s'il est soustractif et du gris s'il est partitif.
      Si l'une des deux teintes domine, elle seule restera visible, mais sa pureté va diminuer (la couleur va se désaturer, se délaver, devenir laiteuse).
      melages_complementairesPrenons des exemples:
      • Vert et magenta son complémentaires. En mélange soustractif la teinte va disparaître pour devenir noire.
      • Bleu et jaune son complémentaires. En mélange additif la teinte va disparaître pour devenir blanche.
      • Deux portions de rouge pour une de cyan. Rouge et cyan sont complémentaires. Le moins représenté disparaît. Il reste du rouge. Celui-ci se mélange à de la lumière sans teinte, calculée par le mélange partitif (deux portions de luminosité du rouge et une portion de luminosité du cyan). Cette lumière mélangée dans la teinte rouge va lui faire perdre sa saturation pour donner du rouge désaturé (un vieux rose).

        Vous savez maintenant pourquoi les petites fleurs "roses" (magenta en réalité) disparaissent dans les herbes dès que l'on s'éloigne.
    2. Dans tous les autres cas la teinte est trouvée entre les deux couleurs mélangées à une distance proportionnelle à leurs quantités relatives en faveur de la couleur la plus importante.melange
      Prenons des exemples:
      • Jaune et magenta en quantités égales donnent rouge
      • Rouge et vert en quantités égales donnent jaune
      • Deux portions de rouge pour une de vert donnent orange

        Vous savez maintenant pourquoi des fleurs rouges dans l'herbe donnent une ambiance dorée.
  3. Pour prédire la désaturation
    1. Toutes les teintes qui s'annulent par complémentarité provoquent une désaturation de l'ensemble.
  4. Pour prédire les contrastes
    1. Les contrastes se situent au tiers du cercle. Le contraste vert rouge est le plus utilisé car il donne un jaune semblable à l'or. Le contraste vert bleu est rarement utilisé car il donne un cyan associé à la mort.

La plante

La plante n'émet pas de lumière. Elle est donc noire si elle ne reçoit pas de lumière. Il faut de la lumière pour la voir. Mais la plante n'est pas neutre vis à vis de la lumière qu'elle reçoit.

Une plante est colorée sous une lumière blanche parce qu'elle a absorbé les autres couleurs complémentaires. Une plante rouge a absorbé le bleu, le vert, le jaune et réfléchi le rouge. Une plante bleue a absorbé le rouge, le vert et le jaune. On ne peut donc pas éclairer une plante colorée avec les couleurs qu'elle absorbe. Si le spectre d'éclairage qui est envoyé à la plante est plus étroit que les possibilités de réflexions de celle-ci, ce n'est que ce spectre étroit qui sera renvoyé et vu. (voir rayonnement)

En fait, une plante est essentiellement creuse. Le feuillage est à sa surface et les feuilles sont éloignées les unes des autres. La lumière suit donc un parcours très complexe fait de réflexions et de transmissions multiples. Les rayonnements renvoyés dans toutes les directions colorent la lumière ambiante qui devient une partie intégrante de la source d'éclairage. Bien que perçue comme telle, cette lumière ambiante sert aussi de référence à l'interprétation des autres couleurs. Dans un verger de Malus aux fleurs roses (avant les feuilles) l'ambiance est rose mais ce rose sert de fond aux autres taches colorées et disparaît donc pour partie.

L'œil

L'œil ne fonctionne pas comme un appareil photographique même si certains éléments comme le cristallin y font penser. La géométrie de l'œil n'est pas constante, la fovéa est plus creuse que le reste de la rétine. Les cellules photo sensibles, les cônes et les bâtonnets ne sont pas répartis de façon homogène sur la rétine.

Les bâtonnets, bien que sensibles dans le vert, sont affectés à une mesure quantitative de la lumière (luminance). Ils permettent une vision en niveaux de gris. Ce sont eux qui tapissent la presque totalité de la surface de la rétine. Notre œil est donc avant tout un organe de perception des différences lumineuses. Cette chasse aux contrastes est confirmée par le nystagmus. D'où l'importance de penser en priorité à la luminance dans l'aménagement d'un jardin.

Les cônes permettent une vision colorée mais couvrent une très petite surface de la rétine. Ils occupent la fovéa et leur densité diminue rapidement en s'éloignant d'elle. Par le nystagmus, l'œil saute d'une zone de contraste à l'autre, plaçant sa fovéa sur ce point qui peut alors être apprécié en couleurs. Les grandes surfaces homogènes sont déduites à partir de ces points de contrastes. D'où l'importance de penser les contrastes de lumière en même temps que les contrastes de teintes pour éviter de disperser l'œil sur la scène.

L'œil est un réacteur chimique à la lumière. Celle-ci détruit certaines protéines que l'œil doit re-synthétiser. L'œil fatigue, surtout si vous le promenez sur des contrastes de luminance. Pour apprécier la délicatesse des coloris des plantes il faut donc du temps.

Le cerveau

Les effets du cerveau sur notre façon de voir les jardins sont très nombreux mais le principal est certainement sa capacité à nier tout ou partie de ce qui est perçu pour faciliter ses décisions. Il peut ainsi remplacer l'existant par ce que devrait être cet existant dans la cohérence de notre culture. On peut alors parler de couleur symbolique par opposition à la couleur sensible. La couleur symbolique entre dans une catégorie de mot (ex: vert, rouge, bleu) et sa couleur exacte n'a pas d'importance. En revanche la couleur sensible comporte de très nombreuses nuances et variations que les mots sont incapables de décrire autrement que dans des équivalences poétiques.

"L'herbe est verte" nous crie notre cerveau.
"Ce que tes yeux voient ne peut pas exister.
Si ce n'est pas vert ce n'est pas de l'herbe.
Si c'est de l'herbe il faut que cela soit vert."

Arriver à faire taire son cerveau pour laisser ses yeux capter la sensation de la couleur de l'herbe n'est pas chose aisée. Le végétal devenu sensible n'est pas quantifié ni quantifiable, il commence simplement à exister par la lumière qu'il nous renvoie.

 La maîtrise de la lumière est essentielle dans les projet, mais il faut un peu plus,
Bruno Gadrat Design Végétal: vos rêves de jardins tout en couleurs
Bruno Gadrat architecte paysagiste




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Bibliographie

 

Voyez aussi pour la partitivité

Voyez également un site sur la correspondance entre les nom de couleurs et leurs diverses classifications

Un site sur les lilas qui fait la correspondance entre deux classifications de la couleurs des Syringa