Voir les plantes autant que les savoir
Particularités paysagères
Par qui et pour qui, la différence se verra dans le paysage.
C'est quoi une forêt ? Qu'est-ce qui la distingue d'un bois ou d'un bosquet ? Voir lexique.
L'imaginaire du bois est différent ce celui de la forêt.
Le poids de la forêt en tant que système de production est particulièrement fort au Québec. La forêt québécoise est encore un pôle économique majeur même si l'industrie forestière a évoluée en fonction des débouchées de sa production et que le regard est passé de la production de bois de marine, au bois de construction avec des grosses poutres, au bois de construction avec des éléments plus fins et plus normalisés ainsi qu'à la production de fibre pour la pâte à papier. La traversée de la crise du bois d'oeuvre et des pâtes à papier au début des années 2000, on changé la donne. La production doit se redéfinir. La réforme du régime forestier publique en 2010 et la consultation sur la forêt durable qui l'accompagne marquent ce changement.
La forêt est aussi une ressource essentielle pour la chasse qui elle même est passée de la trappe essentielle à la vie des populations à une chasse fondée sur d'autres motivations (plaisir, régulation de la faune) et même à une mise en situation potentielle de chasse et pêche qui se concrétise plus par des promenades et du repos que par un prélèvement faunique.
D'autres productions à haute valeur ajoutée comme le bois de déroulage ou la fabrication de tables d'harmonie pour les pianos interfèrent peu dans l'image générale de la foresterie. Les conséquences sur le regard de l'arbre comme producteur de bois est implicitement inclus dans les pratiques sur les arbres hors forêt productive. Dans ce regard, il ne peut pas exister de vieux arbres; dès qu'un arbre est capable de produire du bois, il doit être coupé. Connaissez-vous des arbres qui ont 200 ans et plus au Québec ?
La foret est fortement productrice d'imaginaire. La culture a construit un cadre de références imaginaires permettant de prévenir les situations et de réagir à celles-ci. L'immersion dans la forêt dont on ne peut atteindre le bout, la démesure des arbres, la richesse incroyable des événements potentiellement dangereux sont autant de motifs à produire ces histoires porteuses de savoir être. Même hors forêt nous sommes porteurs de cet imaginaire collectif. Un seul arbre de cette forêt ou une biche est capable de faire resurgir en nous toute notre compréhension de la forêt. Les déclencheurs de cet imaginaire vont être très dépendant des antécédents culturels des personnes. Autant dans un jardin privé ils seront faciles à cerner par un entretien avec le propriétaire, autant pour un espace public il faudra agir avec des signes partagés par le plus grand nombre. Au Québec, l'imaginaire de la forêt semble être confondu avec celui d'un bois ou même d'arbres isolés au détriment de la biodiversité forestière.
Depuis quelques années, la perte de productivité réelle de la forêt associée au souci de retrouver la nature pousse les aménagements forestiers vers un usage multiple qui associe aux valeurs traditionnelles les valeurs écologiques et touristiques. En introduisant de nouveaux types de production pour la forêt (tourisme, écologie) on change complètement son évaluation et on la préserve de sa destruction pour cause d'insignifiance. La valeur productive d'une forêt est instable dans le temps. Elle est dépendante du marché et donc des valeurs accordées par les gens au type de production en cours. Nous avons donc affaire à un sérieux problème de différence de temporalité entre la durée de croissance de la forêt et la rapidité du changement des envies et des besoins des consommateurs. Le marché dans 80 ans et plus est complètement imprédictible. La confusion entre la valeur d'échange ($) et la valeur intrinsèque de la forêt conduit à des actions qui mettent souvent en péril sa durabilité.
Physique et paysagère
La forêt est longue à se constituer, la probabilité d'une perturbation majeure est donc forte. Les champignons, les insectes, les variations de régime climatique, les pollutions sont autant de facteurs qui peuvent gravement endommager tout ou partie de la forêt. Plus la forêt est diversifiée, plus la résistance globale de la forêt sera grande. Si un des éléments est atteint, l'effet sur l'ensemble sera proportionné à son importance. La monoculture est la situation de risque maximale pour la plantation car elle ne comporte aucun mécanisme de système compensatoire naturel, seule l'action humaine (ex: pesticide) permet de régler un à un les dérangements au risque d'en créer d'autres (ex: pollution).
L'adaptation des plantes à la qualité du sol et du climat sont des facteurs déterminants de la viabilité d'un groupement forestier. Cette adéquation entre le milieu et les végétaux est l'optimum de stabilité écologique qu'il faut différencier de l'optimum paysager de la forêt. L'optimum paysager est la correspondance exacte entre la réalité de la forêt et ce qu'elle doit être dans l'esprit des gens qui interviennent dessus. L'optimum écologique est un repère important pour une viabilité de la forêt hors intervention humaine. Hormis les réserves naturelles, ce n'est toutefois jamais le cas. La pression de l'intervention humaine est simplement plus ou moins forte. L'ajustement de l'adéquation écologique à l'optimum paysager devient alors une mesure plus pertinente de la viabilité de la forêt en ce sens qu'elle permet à la fois une viabilité écologique et donne la garantie que la forêt sera maintenue. Une absence de paysage ou un paysage ne contenant pas le maintient de l'intégralité de la forêt mène irrémédiablement à sa destruction.
De la perception à l'action
Lorsque nous sommes à l'intérieur d'une masse végétale, le principal regard qui existe en forêt est tourné vers le bas. On regarde où on met les pieds. La constitution de cette couche basse et de ses détails est donc essentielle dans le design de la forêt. Ce critère est en rapport direct avec la pénétrabilité de la forêt. La pénétrabilité est d'une part visuelle (quelle est la distance à laquelle je vois) et d'autre part physique (tactile, musculaire) par la résistance à la progression. Plus c'est impénétrable et plus la forêt est potentiellement vaste car on ne peut pas en atteindre le bout. Cet perceptibilité de l'infini et par voie de conséquence de la possibilité tangible de se perdre conduit à développer une forte valeur imaginaire de la forêt liée à ce risque.
Le second regard va être essentiellement destiné à la couronne des arbres (vers le haut) car c'est par là que la lumière arrive. La densité du feuillage et sa distance provoqueront à la fois des effets de bain de lumière plus ou moins sombre mais aussi un effet d'échelle par la grosseur de la texture des feuilles sur le ciel.
Ensuite l'ensemble des événements deviendra peu à peu majeur dans la perceptions de la forêt. Au moment de l'événement, l'effet sera sensible par sa soudaineté, son imprévu ou sa découverte après une longue recherche. Ces événements se transformeront ensuite en parties d'un ensemble mémorisé et idéalisé en perdant alors l'aspect sensible pour devenir significatifs. Dans le design d'une forêt la constitution de ces événements sensibles permet donc de maintenir l'intérêt et de renforcer l'ensemble symbolique de la forêt.
Toutes ces caractéristiques des effets sensibles de la forêt conduisent à constituer une ambiance plus qu'une forme. La constitution de formes végétales repérables réduisent les infinis de la forêt et en conséquence un affaiblissement de son identité. L'étendue réelle de la forêt vient toutefois contrebalancer cet effet.
Pour produire des effets sensibles de forêt il faut beaucoup de place car la sensation d'infini et les événements doivent pouvoir s'établir sans être remis en cause par d'autres éléments perceptibles ou cognitifs. En revanche constituer une forêt par son imaginaire demande souvent très peu de place.
Le principe de jeu d'échelle est souvent utilisé en jardin. Dans le cas de la forêt citer quelques exemples d'éléments à réduire pour augmenter la dimension de la forêt ?
Placé en dehors de la forêt, sa lisière et sa texture sont les principaux producteurs d'effets sensibles.
Quels sont les éléments que l'on voit quand on va rentrer ou sortir d'une forêt ?
Quels sont les éléments de la texture les plus pertinent pour le couvert forestier ?
Le message peut quitter le média
Repérez dans les jardins les signes de la forêt. Quels sont les signes ou les assemblages de signes plus efficaces ? En forêt repérez les signes qui vous disent que vous n'êtes pas en forêt.
Le principe de métonymie est souvent utilisé en jardin. Dans le cas de la forêt pourriez-vous citer quelques exemples ?
L'érablière et ses parties de sucre n'est pas tout à fait une forêt pourquoi ? quel est son rapport avec la forêt ?
Repérez dans la lisière de la forêt les signes de la nature. Quelle compréhension de l'évolution du lieu en découle ?
Quelles sont les histoires mythes et légendes liés à l'immensité de la forêt ?
Quelles sont les histoires mythes et légendes liés aux dangers de la forêt ?
Quelles sont les histoires mythes et légendes qui font vraiment partie de notre culture ?
Comment peut-on utiliser ces effets de significations au jardin ?
Quelles sont les principales formes forestières de production ? Remarquez au passage le type d'entretien qui y est associé. Sont-elles significatives pour nous ?
Voir foresterie du Québec, du Canada, de France.
La rançon du succès
Quelle est la distance habituelle de pénétration des gens en forêt ?
Quel est le rapport entre cette distance et un aménagement possible ?
Quelle est l'usure de la forêt par la fréquentation ?
Quelle est la crédibilité d'une forêt très fréquentée ?
Forestier ou paysager ?
L'entretien de la forêt est révélateur des objectifs de production. Faire des mâts de navire, des planches, du bois de feu, des champignons accueillir des touristes ou des chasseurs sont autant de motivations pour transformer la forêt en un tout conforme à ce qu'elle doit être. Sélection des espèces, modes de coupe, nettoyages, mise en place de chemins ou d'équipements, seront différents selon les diverses productions.
L'entretien de la forêt change aussi bien sa réalité sensible que sa signification.
Comment préserver l'imaginaire de l'infini inexploré dans lequel on peut se perdre avec une coupe à blanc ? Comment peut-on encore croire aux bêtes sauvages qui risquent de vous dévorer si on les voit arriver de loin ?
Comprendre les paysages, explorer le réel et l'imaginaire
Bruno Gadrat Design Végétal / Mieux Vivre ici: Jardins et paysages durables
Bruno Gadrat
Orig: 2000/03/22 Rev: 2010/12/5
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